Géographiquement parlant, cette vaste forêt de 3710km2 (85 km d'Est en Ouest et 80km du Nord au Sud) se situe à l'intérieur du bouclier Guyanais composé du Guyana, anglophone, du Suriname, néerlandais et de la Guyane française. La rivière Essequibo lui dessine sa frontière Est, tandis que la rivière Burro burro la traverse en plein coeur et sera d'ailleurs le lieu d'un inventaire de la faune aquatique et des milieux humides durant l'expédition. Biogéographiquement parlant, et c'est la que ça devient intéressant, la forêt d'Iwokrama fait partie du plateau Guyanais, l'un des quatre derniers blocs de forêt tropicale primaire au monde avec l'Amazonie, la Nouvelle Guinée et la forêt du Congo. Elle se trouve à la jonction entre la faune Amazonienne et la faune Guyanaise et bénéficie donc d'une richesse faunique et floristique incomparable. Entre les deux le régime des pluies, le relief plus montagneux qui peut culminer à 1000m d'altitude, les communautés d'êtres vivants et l'histoire des peuples indigènes changent.

La réserve naturelle d'Iwokrama est une aire de conservation stratégique depuis le sommet mondiale pour le climat à Rio en 1992. Elle est à la fois un refuge pour la biodiversité et les peuples indigènes, un laboratoire à ciel ouvert pour la recherche scientifique, un lieu d'innovation et d'expérimentation pour le développement durable et un outil de sensibilisation pour les touristes qui viennent s'y ressourcer. C'est dans ce but que le président de l'époque, Desmond Hoyte, et les citoyens du Guyana font don en 1989, d'une surface de forêt vierge intacte de 300000 ha à la communauté internationale. Son successeur, le président Cheddi Jagan, officialisera l'Iwokrama Act en 1996 et ainsi la création d'un espace consacré à "promouvoir la conservation et l’utilisation durable et équitable des forêts pluviales tropicales d’une manière à mener des bénéfices écologiques, économiques et sociaux pour le peuple du Guyana et pour le monde en général".
Cet espace a été confié à la responsabilité du Centre International pour la Conservation et le Développement de la Forêt Humide d'Iwokrama (ICC) par un accord signé en Novembre 1995 entre le gouvernement du Guyana et le Commonwealth. La réserve est divisée en deux zones majeures :
-la Sustainable Use Area (SUA), ou zone d'exploitation durable de laquelle les populations locales retirent la plupart des bénéfices grâce aux activités de développement durable.
-la Wilderness Preserve Area (WPA) qui sert de référence pour étudier l'impact des activités humaines dans la SUA. Elle permet également de maintenir un pool génétique pour la plupart des populations d'espèces animales et de préserver des sites culturelles importants.
C'est sous la direction de l'ICC que s'effectuent les recherches d'Opération Wallacea et nous allons donc y loger durant une partie de l'expédition.

Le Guyana a récemment signé un accord avec la Norvège à l'ICC, pour la réduction de la déforestation. La déforestation est en effet responsable de 20% des émissions de GES (Gaz à effet de serre) alors que les forêts tropicales rendent de nombreux services écosystémiques à la communauté internationale, notamment en jouant le rôle de puits de carbone. La Norvège s'engage donc à verser une partie des fonds du REDD+ ( (Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation) au gouvernement du Guyana si celui-ci maintient une déforestation minimale. Ce capitalisme vert qui repose sur la négociation de crédits carbone ou de "droits/interdictions à polluer" a souvent été critiqué mais il s'avère que ça marche ici. Cependant cela entraîne des questions éthiques, à savoir : peut-on attribuer un prix à la nature et aux services qu'elle nous rend ?
La solution est apporté par Dane Gobin, directeur de l'ICC : "Le Guyana doit donc développer un modèle multiressources qui inclut les services écosystémiques, mais aussi l’écotourisme, l’exploitation forestière durable et l’exploitation minière à bas impact ".

