ROBERT Vincent
29 mars 2019
Une flore exubérante
S'il y a une chose qui caractérise une forêt tropicale au premier coup d’œil, c'est bien la luxuriance de sa végétation. Lorsqu'on marche au milieu de cet écosystème qui paraît si paisible au premier regard on ne se doute pas que l'on se trouve en réalité au milieu d'une bataille acharnée pour capter une énergie rare et convoitée : la lumière. Les plantes de la forêt tropicale humide font preuve d'une ingéniosité sans limite pour surpasser leurs adversaires dans cette course. Tandis que les lianes lancent leurs tiges préhensiles à l'assaut des branches de la canopée, les plantes de la famille des Broméliacés se fixent directement sur ces branches qui, grâce à l'accumulation importante de matière organique, développe un humus riche et épais à leur surface capable de les accueillir ...(ont les appelles des épiphytes).
Une observation minutieuse de la surface de la canopée et vous remarquerez qu'elle n'est pas, comme on le croit, un tapis de verdure homogène et continu. En réalité les branches ne se touchent pas. Le botaniste Francis Hallé a joliment qualifié ce phénomène "la timidité des arbres". Des recherches scientifiques ont permit de montrer que celui-ci est d'origine chimique. Des molécules d'éthylènes volatiles sont en effet dégazées par l'arbre à proximité d'un congénère ce qui stoppe leurs croissances mutuelles. Ce système de communication élaboré reste un mystère pour les scientifiques malgré quelques hypothèses comme la prévention contre les invasions de chenilles ou les maladies. En tout cas il permet de considérer une nouvelle fois la question de l'intelligence des plantes, une faculté qui devrait enfin leur être reconnu après tant d'avancés et de découvertes sur leurs capacités d'adaptations et de survis hors normes, que nous méprisons trop souvent.
La canopée est l'écosystème terrestre le plus riche au monde.
La richesse faunique impressionnante de la forêt d'Iwokrama ne serait rien sans cette diversité d'essences et de peuplements forestiers qui contribuent à créer une variété d'habitats et de niches écologiques. 9 types forestiers sont prédominants à l'intérieur de la réserve. Le cœur vert de la forêt, formé de peuplements matures, représente 54% de la superficie du massif et se concentre dans la zone sauvage et protégée. On peut s'imaginer une forêt tropicale mature comme on la voit à la télé, avec une canopée très haute et des arbres géants isolés qui percent l'océan de verdure. Les 8 autres types forestiers se partagent les 46% restant de la superficie, alternant les jungles de lianes très denses et impénétrables à des forêts humides d'altitude (on ne peut pas parler ici de forêts de nuages, trouvées plus haut en altitude et présentant une quantité d'épiphytes bien plus impressionnante qui forment de véritables jardins suspendus).
Au final c'est plus de 1250 espèces de plantes qui ont été répertoriées dans la réserve d'Iwokrama, mais les scientifiques évaluent la richesse réelle à plus de 2000 espèces en considérant la faible pression d'inventaire réalisé sur les hauts plateaux difficilement accessibles. La même loi que pour les animaux s'applique aux plantes de la forêt tropical : la diversité est tellement importante que la découverte d'un individu ne garantie pas qu'on en retrouve un deuxième avant 100 voir 500m. Il n'y a donc jamais de peuplement monospécifique... sauf dans les plantations d'huile de palme bien entendu.
Des Aras ararauna dans la canopée. (Photo : Scott Sveiven)
Certaines essences sont malheureusement très convoitées pour l'industrie du bois mais les gestionnaires du site ont mis en place un système d'exploitation durable pour ne pas épuiser ces ressources tout en permettant au territoire et aux communautés locales de se développer.
Le botaniste Francis Hallé à développé le radeau des cimes pour aller inventorier la biodiversité de la canopée.
Depuis son radeau des cimes, le botaniste Francis Hallé a l'habitude de décrire ses nuits à la belle étoile. Un moment qu'il qualifie de magique. Au crépuscule, alors que les singes hurleurs chantent pour rassembler leurs groupes, l'obscurité engloutie progressivement la canopée. Les odeurs d'orchidées commencent à embaumer l'aire pour attirer les nectarivores nocturnes, chauves-souris et sphinx géants. Leurs fleurs sont blanches car celle-ci n'ont pas d'utilité à développer des pigments et se basent uniquement sur l'odorat de leurs pollinisateurs. A mesure que l'obscurité tombe, le ciel s'illumine. Mais dans la canopée, le ciel est partout...car des myriades de lucioles scintillent dans les branches et sous le radeau. Et on y dort très bien car aucun moustique ne vient nous déranger (ceux-ci sont dilués dans l'abondance d'espèces ailées inoffensives et ont donc une densité d'individus très faible). J'avoue que ça fait rêver...mais Opération Wallacea ne possède pas ce genre de raquette gonflable géante...conclusion : go hamac qui te casse le dos !
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